Label : Hipsterminator Records
Style : Mathcore/Rock/Prog’/Hardcore
Déjà bien remarqués début 2013 avec un ‘Nine lives’ inaugural et sulfurique, les Frenchies de Dimitree reviennent quasi trois années plus tard avec sous le bras un premier album long-format qui confirme en quelques secondes à peine toutes les promesses entrevues avec leur premier effort. Cette fois, on a droit à ‘ID/EGO/SUPEREGO’, un disque à l’esthétique soignée (c’était déjà le cas avec l’EP) sorti par le biais du discret mais inspiré Hipsterminator Records (avec accessoirement le meilleur nom de label de l’univers) pour une claque absolue qui ne peut laisser indifférent.
Une petite structure indépendante que l’on retrouvait déjà derrière deux autres groupes plutôt remarqués sur la sphère hexagonale (Korben Dallas et Zapruder) et qui privilégie qualité (supérieure) à la quantité en ne s’occupant que d’albums qui sortent réellement du lot. A l’image de celui qui nous occupe, porté par un groupe qui lance les hostilités dès les premières secondes de « Two face ». Le premier contact avec la bestiole est ainsi particulièrement abrupt et alors qu’un riffing déjà bien féroce nous parvient par saccades en pleine face et que l’aboyeur en chef fait gicler ses harangues vocales sur la platine, on comprend déjà que Dimitree ne va pas faire dans le détail.
Mathcore, rock, hardcore, prog’ à la croisée des chemins entre Daughters et The Dillinger Escape Plan avec quelques détours par les œuvres de Converge ou The Chariot, le groupe – tendu comme une arbalète – dynamite les enceintes et ne se prive pas de mettre les tripes sur la console. Une petite respiration (« Hold ») et on repart au turbin à coups de « Exhale » et autres « Persistent vegetative state » qui démontrent que si les gaziers empruntent à leur glorieux modèles (on a vu bien pire comme références), ils savent assaisonner le joyeux bordel à leur sauce plus personnelle. On est donc en territoire relativement facile à cerner et on peut laisser sereinement le groupe nous concasser les conduits auditifs en expédiant furieusement ses décibels aux quatre coins du studio.
Question ruptures de rythme effrénées et poussées de fièvres hargneuses, on est servi. Mais plutôt que de reproduire une recette (certes éprouvée et clairement efficace) tout en s’enfermant dans un exercice de style foudroyant mais à (court) terme un peu vain, les Dimitree osent, déplacent leur curseur créatif et s’offrent un « Adhikar » qui privilégie l’intensité viscérale et l’émotion décharnée à cette expression brutale et directe de rage contaminatrice à laquelle ils nous ont jusqu’alors habitué. Et continue de se réinventer avec un « Black » aux effluves punk (certains riffs et attaques ne sont pas sans évoquer les grandes heures de Refused) sans jamais sacrifier à ce qui fait l’essence première de leur musique.
Toute à tour cinglante et compacte, parfois plus rock que mathcore, d’autres fois proggy et hardcore, l’œuvre de Dimitree sait aussi mettre en avant une écriture parvenue à pleine maturation et qui s’énerve à vif juste quant il faut, mais prend aussi le temps de distiller des atmosphères de manière intelligente (« Cymon »). Et si le naturel épidermique du groupe n’est jamais loin (« Nymphomaniac »), la propension qu’il a à développer une écriture organique et en évolution constante (le bluffant « Behind a pale painted smile »), lui permet de repousser ses propres limites et atteindre le stade supérieur. Celui de l’excellence que lui offre à la fois une technicité imparable (« Eisophobia ») et une créativité sans cesse remise en question. La marque des (futurs) grands.