C’est l’histoire de trois mecs qui avaient besoin de se défouler en faisant du hard. Sauf que là, ces types-là sont suisses et que… bah qui connaît la propension qu’ont les helvètes à pratiquer une musique aussi sauvagement viscérale que savoureusement burnée, conviendra qu’on ne pouvait qu’en prendre plein la gueule. Tous trois échappés un temps d’abord, puis de manière plus définitive ensuite, de The Ocean ; les gaziers commencent par se faire la main le temps d’un split partagé avec Kunz… qui n’est autrement constitué que par deux The Ocean officiant au sein de… Coilguns (c’est bon tu suis?).
Math-metal à la technicité de pointe vs hardcore-punk subversif aux accélérations grind qui en mettent plein la platine, les Coilguns ouvrent le feu en déchargeant trois titres violents et corrosifs qui explosent la trachée en même temps qu’ils éparpillent les décibels façon blitzkrieg. D’un premier coup de rein assez court mais fulgurant – un assaut métallique à la précision chirurgicale qui ne lésine pas sur l’efficacité animale – à un second qui rallonge le format pour flirter avec les 5’30, le trio sait ce qu’il fait. Quelque part entre un Converge stéroïdé et un Dillinger Escape Plan peut-être encore plus sauvage qu’à l’accoutumée, Coilguns termine le travail avec une dernière ogive qui dégoupille les écoutilles avant de laisser la place à Kunz. Lesquels donneront dans le rock/postcore noisy à la Oceansize matiné d’Unfold : chaotique, viscéral et jouissif, mais ça c’est une autre histoire.
En attendant une autre histoire, les Coilguns remettent le couvert avec cette fois un EP tout seuls comme des grands et « Stadia rods » délivré via le mini-label anglo-saxon Dead Dead Dead Music (Integrity). Musicalement, « Stadia rods » s’inscrit dans la lignée du split avec Kunz. Soit un mélange de math-metal D-beat et de harcore-punk grindeux qui castagne, du gros son bien braillard qui sert de défouloir en même temps qu’il crame les enceintes avec fougue. Et une grosse envie de tout démolir sur son passage. Derrière ça, les Suisses font étalage d’une maîtrise qui assaisonne le bordel avec une précision diabolique. Du hard oui mais pas que. Car cette fois, les gaziers, au-delà la frénésie crust / mathcore qu’on leur connaît déjà ; dévoilent un autre visage, plus calme dans la déflagration sonore mais pas plus apaisé dans l’atmosphère, tortueuse, presque doom dans ses développements instru’. De fait, le trio démontre qu’il sait faire autre chose que donner dans le démembrement auditif aussi viscéral qu’exaltant et que façonner des morceaux aux ambiances sourdes et subversives ne lui fait pas peur. En prime, Coilguns délivre un climax en forme de torpille sonore qui ravage les conduits : un condensé de violence éruptive doublée d’une décharge de décibels qui cautérise les tympans jusqu’à définitivement sceller ce « Stadia rods » en le coulant dans le béton. En attendant la suite…
… laquelle vient avec un autre split, partagé cette fois avec les Allemands de Never Void (ou NVRVD pour les intimes). 2 titres studio + 2 live chacun, le compte est rond, le résultat parfaitement ravageur d’un bout à l’autre de la bande-son. Les Suisses sonnent violemment la charge en expédiant un premier titre mettant d’entrée les compteurs dans le rouge vif. Incandescent, brutal, saccadé et d’une maîtrise folle, voici un pur condensé de ce dont est capable Coilguns : du D-beat hardcore punk grind qui ravage les conduits auditifs en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. On le dit quand même et pendant ce temps, les helvètes enquillent la suite en forme déclaration d’amour belliqueux et acharné. Oui, le suisse aime l’amour vache. Ni une ni deux (bon en fait si, deux…), le groupe démontre qu’il est prêt pour passer à l’étape suivante.
Parce qu’à un moment, les splits, les mini-albums, c’est bien gentil mais si on veut affronter la puberté du hard, il faut y aller comme des grands : les Coilguns dégainent enfin un premier album fatalement attendu au tournant, d’autant qu’il sort par le biais du solide Pelagic Records (Abraham, Earthship, Kruger, The Ocean…). Son titre : ‘Commuters’, son contenu : brûlant comme l’enfer. Et en sus, l’objet, qu’il soit livré sous formé CD ou vinyl, est plutôt très classe. Prends ça dans les gencives, lobby du digital. Déflagration attendue, la première salve lance les hostilités et déboule la fleur au fusil, armée jusqu’aux dents, la rage au corps hardcore. 3 minutes et une poussière de déferlement D-beat/Mathcore aux fulgurances grind, Coilguns donne dans la violence expéditive, la combustion spontanée des tympans doublée d’une fougue tranchante parfaitement implacable. Le hard suisse dans toute sa splendeur. Mais qui se permet aussi quelques jolies finesses le temps d’un épisode, noisecore ardent-fleuve, allant chercher les frontières du sludge avec une opiniâtreté typique de la mouvance post-hardcore.
Le reste de ‘Commuters’ est à l’avenant : entre éruptions de rage brute et petites merveilles d’horlogerie mathcore subversive (normal quand on est suisse en même temps), il y a ici une vrai frénésie ravageuse qui épousent à merveille les contours d’esquisses mélodiques assumées. Coilguns est une machine de guerre lancée à vive allure, l’expression absolue d’une musique écorchée vive aux éruptions de violence sous-durale que rien ne peut réprimer. Moderne et implacable, roots as fuck, Coilguns livre ici un album en forme de déclaration de guerre au hard européen. Une collection d’ogives métalliques expédiées dans les tuyaux avec une précision de sniper et une jolie séance de concassage de tympans qui fait du bien par où ça passe. Quelque part entre Converge, Breach, Botch, Knut et autres Norma Jean…
Quand ils sont rassasiés, les Coilguns en mettent quand même un peu plus, histoire de ne laisser que des miettes à ceux qui passeront après. Normal alors qu’ils dévorent goulument la platine avec un renfort de choix en la personne de Keijo Niinima – Nasum, Rotten Sound pour déflorer bien salement les membranes auditives à coups de gros son bien viril… mais également de groove solidement rock’n’roll. Parce que c’est tout ça ‘Commuters’, un album de rock sévèrement burné, de hard méchamment couillu qui met les cojones sur la console de mix pour montrer qu’il les a bien accrochées. Une ingénierie sonore de premier choix aux atmosphères soignées bien qu’enregistrée live, sans effet de manche ni faux-semblant, juste du brut de décoffrage qui fait encore très fort avec une grosse couche de coolitude absolue. Hard.
Toujours pas rassasiés après leur excellent ‘Commuters’, les Coilguns décident de renouer avec leur amour pour le… split en compagnie des bûcherons d’Abraham qui sent déjà la sueur, paru par le biais du label qui monte en Suisse soit Hummus Records (Impure Wilhelmina, Nevborn, Olten, The View Electrical etc…,), initié et géré par un membre de… Coilguns (tiens donc !). Trois titres pour les snipers qui déboulent après un monumental morceau inaugural signé Abraham et son gros quart d’heure de sludge/post-hardcore mystique, dans une urgence contaminatrice obsédante. Et comme à l’ordinaire avec les cogneurs helvètes, le résultat savate à tout va, pilonne les tympans et martyrise les amplis (ou l’inverse on ne sait plus au point où on en est) avec l’énergie du désespoir, une fureur qui laisse entendre que Coilguns n’en a pas fini d’envoyer du lourd.
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