Label : Pelagic Records
Style : Ambient/Drone/Doom/Post-Metal
A l’origine duo devenu par la suite trio, Twinesuns est un exigeant projet ambient/drone-post-metal/doom suisse et allemand comptant en son sein un membre du quintet post-hardcore Abraham et déjà auteur d’un album intitulé ‘The Leaving’ en 2014 (via Hummus Records), puis d’un EP digital ‘A Blackened Planet’ autoproduit et posté en téléchargement libre un an plus tard. Pas vraiment le temps de souffler donc que le groupe a enchainé courant 2016 avec l’enregistrement d’un second opus long-format puis signé chez Pelagic Records (Cult of Luna, Mono, The Ocean et autres Wang Wen…) en vue de la sortie de ‘The Empire Never Ended’ début 2017. Voilà pour la partie biographique.
Sur le terrain de l’audio, Twinesuns propose ici quelques sept morceaux à la fois amples et lourds, distillant une mixture ambient/drone/post-metal obsédante et addictive dont les effluves, menaçantes et/ou vaporeuses, prennent – dès les toutes premières minutes – possession de notre psyché (« Simon the Magus »). Et ne la libèrera plus, même au cours des passages où la tension se relâche un peu, que le groupe laisse parler le côté le plus planant de sa musique, s’abandonnant aux volutes de fumées narcotiques avant de présenter la suite de son œuvre ; et notamment un « Die Zeit Ist Da! » exhalant un magnétisme imposant. Fascinant de part son approche créative comme l’histoire qu’il raconte, ‘The Empire Never Ended’ déploie alors ses tentacules auditives et emprisonne de fait toute velléité critique, les annihilant par la seule force d’une écriture ; certes quasi exclusivement instrumentale, mais diabolique.
Conceptualisé autour de la trilogie ‘Valis’ du romancier culte Philip K.Dick – soit en gros l’un des plus grand auteurs de science-fiction de notre temps (il a rédigé entre autres ‘Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?’ adapté au cinéma sous le titre Blade Runner, ‘Souvenirs à vendre’ devenu Total Recall ou encore ‘Rapport minoritaire’ qui a donné Minority Report ; sans parler de l’uchronie télévisuelle actuellement diffusée sur la plateforme vidéo d’Amazon : The Man In The High Castle (et adaptée du roman du même nom) – ce deuxième album de Twinesuns est un labyrinthe mental aux multiples sens de lecture. Un dédale sonore au cœur du quel le groupe a empilé les trames narratives en même temps qu’il explore son propre onirisme noir, transcendant par la-même ce qu’il raconte afin de donner naissance à des émotions contradictoires mais aliénantes (« System regained », « Pneuma »)
On se laisse prendre dans la toile habilement tissée par le trio suisse/allemand et, en s’abandonnant aux textures minimalistes puis progressivement plus massives de l’éponyme « The Empire Never Ended », on s’offre une véritable descente en rappel et en aveugle au cœur d’un univers riche aux constructions mouvantes par anticipation(s). Une œuvre à l’architecture organique et en constante évolution (« Going through life with eyes closed »), irrémédiablement fascinante même si l’on n’est pas familier de ce registre musical, carrément indispensable pour qui est habitué aux œuvres du monstre Sunn O))). Mais en l’état, Twinesuns a trouvé sa propre voie, faisant abstraction des comparaisons et références afin de proposer une musique qui lui soit personnelle et quasiment visionnaire (« Firebright »). Ou la bande-son idéale d’une utopie de science-fiction dont les images mentales n’auraient plus qu’à être projetées sur pellicule.
Impressionnant.