Label : Debemur Morti Productions
Style : Sludge/Post-Metal/Ambient/Drone/Industriel
On évoque souvent Godflesh et Neurosis lorsque l’on aborde le cas Dirge mais on va surtout finir par parler de Dirge tout court lorsque l’on se charge de décrypter un nouvel album des grands mamamushis de la scène post-metal hexagonale. En y ajoutant une dimension sludge/doom/industrielle évidente (d’où petits les raccourcis rédactionnels réducteurs pris ci-dessus). Toujours est-t-il que quelques trois ans après l’imparable ‘Elysian Magnetic Fields’ et sept après l’immense ‘Wings Of Lead Over Dormant Seas’ (Equilibre Music) – parfaitement indispensable pour qui possède une quelconque affinité avec ce style de musique) – les Parisiens ont livré au printemps 2014 un ‘Hyperion’ témoignant de leur nouvelle évolution créative.
Entre-temps, le groupe a changé de crèmerie, passant ainsi de l’historique et toujours excellent label suisse Division Records (Impure Wilhelmina, Kehlvin, Rorcal, Unfold, etc,…) à l’écurie francophone Debemur Morti Productions (Hemelbestormer, Monolithe, Rosetta, Syberia…) par le biais de laquelle a donc vu le jour ce nouvel album dont les premiers instants laissent entrevoir un Dirge un peu moins massif que par le passé. Et si l’ensemble reste sanglé sur une base sludge/post-metal évidente, il y a dans cette nouvelle cuvée des franciliens ces textures ambient/drone/indus qui font léviter en apesanteur les agrégats sonores distillés par le groupe (« Circumpolaris »). Même le propos, habité par une rage toujours sourde, semble être un peu moins agressif (ou frontal c’est selon) que par le passé.
Il ne s’agit pas de dire qu’‘Hyperion’ est l’album de la maturité, elle était déjà là depuis longtemps et sans aucun doute ‘And Shall The Sky Descend’ (2004, Equilibre Music), mais plutôt de convenir qu’en prenant de l’âge, les Dirge ont peu à peu réinventé leur grammaire musicale comme leur narration sonore. Entre émotions brutes et violence sourde, le groupe n’en a pour autant rien perdu de sa verve et ne nous leurrons pas, sait toujours imprimer sa marque avec une puissance sans beaucoup d’égal sur le vieux continent (« Floe », « Venus Claws »). Mais il le fait avec un sens aiguisé de la mesure, une maîtrise absolue de son sujet qui en décuple l’impact ; et offre même quelques surprises éparses (une incursion vocale lumineuse inattendue) afin de donner un peu plus de corps encore… et d’âme à un album par ailleurs d’une solidité à toute épreuve.
Peu leur importe le poids des années, l’évolution de la musique, les changements de label ou le contexte musical ambiant, les Dirge poursuivent inlassablement leur œuvre entamée il y a une petite vingtaine d’années sans sourciller et pour cause, ils ne subissent pas ce qu’il y a autour : ils mènent le jeu, le domine dans les moindres détails à coups de riffs écrasants, de vocalises féroces et de frappe suffisamment lourde pour étouffer dans l’œuf la concurrence (« Hyperion under glass ») tout en aérant leur propos afin de ne pas le rendre hermétique car forcément un peu trop monolithique (« Filigree »). Entre clarté fugitive et noirceur anxiogène, le groupe joue avec les nuances et les dégradés de gris afin de magnifier cet album majuscule (encore une fois) composés de six chapitres clôturés par le majestueux « Remanentie » et ses presque seize minutes trente d’une odyssée ambient post-métallique aussi immersive qu’hypnotique.
‘Hyperion’ est au final LE disque que l’on attendait de la part des Dirge : une œuvre organique et fascinante à l’intensité cathartique comme à la maestria créative rare, donc éminemment précieuse. Classe, évidemment.
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