Label : Golden Antenna Records
Style : Doom-jazz
‘Im argen’ est de ces œuvres à l’élégance fragile, à la beauté magnétique jouant de ses dégradés de couleur pour peindre un univers sonore au sein duquel rien n’est jamais noir ou blanc. Tout n’est alors que nuances au fur et à mesure que les volutes de fumées assombrissent ou à l’inverse éclaircissent l’atmosphère, les choses prennent sens, forme… alors Radare peut projeter dans l’esprit de son auditoire les images du film invisible qu’il a couché sur sa partition.
Cinq pistes sont réunies sur ce recueil de compositions ambient/rock/doom-jazz à la fois brumeuses et hypnotiques, mélodieuses et feutrées, intitulé ‘Im argen’. Un disque en forme de bande-son de long-métrage qui resterait à être mis en image, mais dont la trame scénaristique se déroule déjà sous nos yeux. Surtout que rapidement, les morceaux qui le composent développent une atmosphère, une ambiance atypique de film noir assez proche de l’univers d’un David Lynch pour citer le cinéaste que la musique de Radare évoque naturellement (sur « Das einsame Grab des Detlef Sammer » notamment).
Pas étonnant que l’on découvre alors une filiation de l’esprit entre l’œuvre des natifs d’outre-Rhin et celle d’Angelo Badalamenti, compositeur fétiche du réalisateur de Twin Peaks, Lost Highway ou Mulholland Drive. Mais loin de vouloir simplement offrir une pâle copie des travaux du maître, les Allemands distillent une musique éminemment personnelle (« Please Let Me Come Into The Storm / Luke»), sans pour autant nier l’évidence de leurs influences majeures. On pense alors au Bohren Und Der Club of Gore, autrement LA référence du genre en la matière mais également Dale Cooper Quartet & The Dictaphones ou The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble.
Pendant que les images envahissent notre psyché, les morceaux se succèdent sur la platine sans jamais nous faire lâcher prise, semblant même parvenir à distordre le temps pour les faire défiler plus vite (« Burroughs») qu’ils ne sont interprétés réellement. Sans doute parce que l’on a aimé plus que de raison venir se perdre dans le monde de Radare en goûtant à « The queue » (désolé), comme on apprécie plus que de raison d’être abandonné à notre propre sort le temps d’un « Damsel In Distress » qui vient divinement boucler la boucle de cette œuvre noctambule et immersive. Classe.