Label : Atypeek Musik // Basement Apes Industries
Style : Noise / Hardcore / Rock
Il y a des groupes qui ne savent pas arrêter. Parmi ceux-là il y en a qui devraient et les autres. Et d’autres aussi dont on redoutait qu’ils ne reviendraient pas, mais qui finissent par remontrer le bout du museau et attiser de nouveau la flamme. Les Membrane sont dans cette catégorie. Quinze ans de carrière passées à ferrailler dans une noise/hardcore subversive et turgescente, dominée par l’incontournable l’influence majeure qu’est Unsane, des albums qui sont de véritables références sur la scène hexagonale (‘Disaster’ en 2010 si l’on ne doit qu’en citer qu’un), un split en 2011 avec une autre pointure du genre (Sofy Major) puis… le silence (relatif) pendant deux/trois ans.
Quelques changement au sein du groupe, une période de « transition » et un line-up pendant quelques temps à géométrie variable. On pensait que cela pouvait marquer la fin du groupe après une carrière plus que respectable. Il n’en fut rien. Car l’année 2015 a vu arriver un nouvel album long-format, initiant de fait une nouvelle dynamique pour un trio qui semble désormais déborder de projets. Le point de ce nouveau départ a pour nom ‘Reflect your pain’, sorti chez le label de toujours des francs-comtois, soit le toujours recommandable Basement Apes Industries (Anorak, Death Engine, General Lee, Plèvre, Plebeian Grandstand, The Prestige…) – et le concours du tout jeune Atypeek Music – qui dès les premières secondes enfonce les cloisons auditives comme personne.
Déboule alors un « A dead weight » qui prend des parpaings en guises de moufles, une prod’ qui dès le départ imprime la marque du groupe dans la chair, une frappe (très) lourde, des litrons de nitroglycérine super-noisique qui s’écoule par tous les pores de ce morceau inaugural et une tension hardcore qui met tout de suite les compteurs dans le rouge : en clair la première prise de contact avec ce nouvel album des Membrane est virile. Puissante, sauvage, incandescente à souhait. Du caractère, un son massif, épais et une maîtrise formelle affolante, le groupe est au sommet de sa forme et nous envoie du gros son en pleine « The face ». On n’est alors plus du tout là pour rigoler et le power-trio frenchy impose sa griffe mastodonte en expédiant des wagonnets entiers de riffs qui moissonnent les enceintes alors que le charisme vocal du préposé au micro parachève le travail.
Quelque part entre Breach, Knut et Neurosis version noise-hardcore brut de décoffrage et pas trop loin des groupes hexagonaux de la veine des Sleeppers, Revok et autres Portobello Bones, Membrane alourdit la sauce, muscle sérieusement son jeu, sans forcément accélérer la cadence mais préférant rendre son propos plus acide et subversif en faisant parler des compositions intenses car baignant dans un désespoir lesté de plomb et d’un soupçon de nihilisme rageur. Le tout se terminant fatalement dans le sang (« Leaving a trail ») car si la violence est ici insidieuse, elle n’en est pas moins latente, larvée… Car l’atmosphère dans laquelle se meut l’album est l’image de l’artwork qui l’accompagne : ombrageux, glacial, torturé. Mais pas que…
Parce qu’aussi cinglant soit-il, ce Membrane cuvée 2015 qui balance des blocs de granit sur le crâne de l’auditeur (l’asphyxiant… « Breath ») n’en a pas pour autant oublié de surprendre, au détour de quelques incantations vocales avec une invitée féminine qui fait son petit effet à la Jarboe (ce qui est donc la classe tout de même) entre deux décharges furieuses gorgées en riffing musculeux et abrasions émotionnelles (« Lonesome ») de ses trois compères qui sont en mode bûcherons hardcore/noise pour rendre le disque toujours plus compact. Entre-temps, le groupe aura mis une dernière fois ses tripes dans un « Never ending » tellurique et monstrueux d’intensité histoire de ne nous laisser aucune chance de sortir indemne de cet album majuscule.
Redoutable et salvateur.
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